oumar diagneJe m’appelle Oumar DIAGNE, bénévole pour les associations ACTUME et Rivages NDiawane de Tékane. Je vous remercie d’abord d’avoir créé cet espace « Podium des Bénévoles » de l’Association « ACTUME » pour permettre aux volontaires de s’exprimer.

Je profite de cette occasion pour revenir sur mes souvenirs de TEKANE en Mauritanie où interviennent les associations citées ci-dessus dont je suis membre actif. J’intitulerai mon témoignage « Souviens-toi !« 

http://youtu.be/Hacqk1ZlyrE
Téléchargez le transcript : souviens-toi !

SOUVENIRS DE TEKANE EN MAURITANIE
Oui ! C’est à Tékane que j’ai reçu mes plus grandes leçons de vie !

Souviens-toi de ces années qui ont bercé notre jeunesse.
Nous étions unis au sein d’une même famille.
Tékane, sur les rivages de N’Diawane, nous offrant tant d’amour,
Que nous n’imaginions point qu’il était possible de vivre autrement.

tekane Oumar diagneA travers nos ruelles étroites,
Nous croisions des sourires tendres.
A chaque angle de maison,
Nous rencontrions
Un tonton, un papi, une tante, une mère,
Une grand-mère, un grand-père, un cousin
Avec qui, nous partagions un baume de cœur.

Oui ! Souviens-toi, nous étions d’une même famille.
Nous étions heureux de vivre ensemble
Et partagions, avec joie, nos ressources.
Te rappelles-tu, le soir venu, des pêcheurs,
Revenant de leur longue journée de travail,
Qui jetaient aux gamins,
Qui courraient dans tous les sens, des poissons,
Le cœur guai.

Rappelles-toi de maman qui, la nuit tombée,
Se faufilait discrètement entre les ruelles
En vue d’apporter son aide à des personnes dans le besoin.

Entends-tu encore la voix de papi Farba Bocar Diop
Qui nous exhortait à l’unité.

soleil Oumar diagneTe souviens-tu des contes de grand-mère qui, après le soleil couché,
Nous rassemblait pour raconter des histoires édifiantes.
Elle qui nous initier à la solidarité.

Nous gambadions heureux et rassurés
Grâce au regard bienveillant des aînés
Ah ! Te souviens-tu de tonton Oumar Sy Hamet
Lorsque nous pataugions dans N’Diawane,
Tu n’avais pas intérêt à franchir les limites autorisées.

Après le repas du soir,
Une fois nos forces rassemblées,
Nous nous retrouvions à Karadjie
Et jouions aux gendarmes et voleurs.
Nous foulions les hautes herbes de notre savane généreuse.
Guala, la force ravageuse, nous bousculer de toute part

Comment pourrais-tu oublier
La bonté de nos anciens ?
Ne me prends point pour un rêveur,
Je te parle de ce que j’ai vécu !
Nos pères nous ont appris à aimer nos ennemis.
Voilà la plus grande leçon de ma vie que je traîne.

Je garde au fond de mon âme
L’amour des anciens.
Eux qui m’ont enseigné à marcher droit.
Tends-moi la main afin que nous honorions
L’âme de nos ancêtres.
Il serait trop injuste d’oublier
Ce qu’ils nous ont légués.

film Oumar diagneDes visages me reviennent,
Je ne peux pas les citer tous.
Souviens-toi des taquineries de Tané N’diawogne Guaye
Souviens-toi de papa Sembèke avec son pantalon bouffant
Souviens-toi de la sagesse du vieil Elhadj Mamadou

Des sons et des saveurs ont, à jamais, marqué mes sens.
Te rappelles-tu du thiep de Bint Gueye,
Du thé de Mamadou Fati ?

Ah ! Tékane, mon petit village,
Comment pourrais te parler de mon attachement à toi.
Il est vrai que certains de tes fils m’ont déçu
Mais j’ai pu tenir grâce au souvenir des anciens sous terre.

Oh ! Mon frère vient célébrons ensemble,
La mémoire des anciens.
J’aimerais que, des cieux,
Qu’ils soient fiers de nous.
N’oublies guère qu’il y a des hommes qui n’ont vécu que trente ans
Qui vivent éternellement
Et que d’autres, ayant vécu cent ans, ont disparu définitivement.
Soit donc ardent défenseur des valeurs éternelles
Pour que nous retrouvions notre chaleureux Tékane.

reunion sous arbre a palabreOh ! Toi, mon cousin sache d’être lucide
Et séparer ce qui passe et ce qui relève des éternités : l’amour
Sois une rivière tranquille aux rives fleuries.
Que ton cœur soit en paix
Et vois la fête dans tous nos villages !
Tékane, Thianguaye, Diamath, Fanaye,
Diagnoum, Niakwar, Médina Saldé, Bokhoul,
Dara-Salam, Fada, Dioli, Gani, les Oulad Aïd,
Nous sommes d’une même famille

Il faisait si beau de vivre chez nous,
Il n’y pas si longtemps,
C’était le temps où nos sages nous guidaient.
Aujourd’hui, il n’y plus d’éclaireurs
Dans notre contrée.
Quel désastre !

J’ai failli mourir de désespoir
Mais le souvenir des anciens me soutient.
Aujourd’hui, une lueur se dessine.
Quelques jeunes consciencieux sont là
Et tracent le chemin d’un futur meilleur.

ecoleMes frères, je voudrais que nous soyons des dignes héritiers.
Héritiers de papa directeur Abdoul Ciré Kane.
Lui qui a su allier tradition et modernité,
Sagesse et savoir,
Bonté et honnêteté.

Oui ! C’est à Tékane que j’ai reçu mes plus grandes leçons de vie.
Je ne l’ai jamais oublié.
Je poursuis ma route
A la recherche de vérités éternelles
Mais je sais que c’est à Tékane que j’ai été initié.
J’y ai vu des bons et des sages.
Je demeure enfant malgré les blessures de la vie.

Il fait beau, ici, loin de toi Tékane,
Cependant, des images me reviennent.

troupeau Oumar diagneJe vois encore des troupeaux de vaches
Traverser Karadjé, reverdi après les premières pluies.
L’odeur de sa terre rouge humide me parvient encore.
Je vois les vieux sages sous l’arbre à palabre
Se racontant des histoires de jeunesse et envahis par de fous rires.
Nos anciens étaient des enfants.

Te souviens-tu des moqueries que nous partagions avec nos vieux
A chaque coin de rue ?
Eux qui avaient pourtant traversé les âges,
Vivent, en moi, chaque jour.
Ils demeurent mes guides.
Leur sagesse et douceur me poursuivent en tout lieu
Malgré mes tourments.

Ils me manquent tant ces beaux visages
Eux, dont la paix de l’âme a bercé mon enfance.
Oui, je n’ai pas oublié ces belles âmes
Qui ont nourris mes premiers pas au sein de la forêt de la vie.
Eux qui avaient su purifier leur âme.
Et avaient le rire enfantin
Ils avaient compris le caractère éphémère de la vie.
Viens donc mon frère
Et grimpons ensemble
La montagne de la purification.

J’ai parcouru mille contrées
Et j’ai compris que l’amour est vainqueur
Alors qu’entends-tu pour que nous entamions ensemble
Le chemin de la purification intérieure ?

rythmes-danses-sandicoly-senegal-07Je me souviens de la joie qui régnait à Tékane.
Le soir venu, les jeunes filles se rassemblaient
Sur les places publiques pour danser sous la claire lune.
Leurs claquements de mains
Irradiaient nos cœurs d’allégresse.
Sous les rythmes de tambour et d’une flamme
D’un feu de bois,
Nous organisions de séance de lutte :
Souviens-toi de Guaya N’diawogne,
De Bilal, de Lamine Camara, de papa Alia Diop
Qui nous faisaient rire.

tekane fin Oumar diagneLa solidarité était maitresse chez nous.
Souviens-toi quand nous cultivions le champ de la veuve esseulée.
C’était au temps où se soucier de l’autre avait son importance.

Le temps est venu pour nous rassembler
Et bâtir notre petite belle bourgade, Tékane.
Viens donc mon frère, l’âme empli de joie
Et de paix et bâtissions un avenir resplendissant.

En savoir plus sur l’auteur lire : SERENGETI à l’ombre du mal, édition Harmattan, 2011 – 154p.

Oumar DIAGNE
diagneoumar304@yahoo.fr

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